Eva pour la vie & Grandir Sans Cancer ont décidé de soutenir les travaux du Dr Célio POUPONNOT, à l'Institut Curie, en finançant le Projet « Modélisation du médulloblastome grâce à l’utilisation d’organoïdes humains cérébelleux et analyse de l’effet des polluants agricoles » à travers une subvention. Ce projet de recherche comporte une part de recherche environnementale crutiale, la question de la compréhension pour tenter de prévenir étant aussi importante que celle qui vise à mieux soigner les enfants atteints de cancers ...
Dr Celio Pouponnot, pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ? (votre rôle et activité au sein de l'Institut Curie)
Je suis directeur de recherche au CNRS et dirige une équipe de recherche composée de 12 à 14 personnes, sur le site d'Orsay de l'Institut Curie qui est réparti sur trois sites : Paris, Orsay, Saint-Cloud. Nos activités de recherche portent sur les tumeurs cérébrales de l'enfant et leurs traitements, en particulier la radiothérapie. Une partie importante de nos travaux concerne le médulloblastome, une tumeur pédiatrique du cervelet sur lequel porte le projet financé. Le médulloblastome est principalement pédiatrique, diagnostiqué à un âge médian autour de 7 ans. La survie à 5 ans est de 70-80%. Cependant, cette statistique masque la grande hétérogénéité de ces cancers, qui présente des groupes à risque variable comprenant des tumeurs de bas ou haut risque, le taux de survie de ces dernières étant beaucoup plus faible.
Vous êtes à l’origine du projet « Modélisation du médulloblastome grâce à l’utilisation d’organoïdes humains cérébelleux et analyse de l’effet des polluants agricoles ». Pouvez-vous nous expliquer les principales raisons qui vous ont incité à rédiger ce projet ? Quels sont ses objectifs ?
Le projet soutenu par Grandir sans Cancer et Eva pour la vie est dirigé par B Duvillié, chercheur INSERM dans l'équipe. Il est structuré autour de deux axes, le développement d'un modèle pour étudier le médulloblastome de haut risque et un deuxième où nous utilisons ce modèle pour étudier l'effet de polluants sur les phases précoces du processus tumoral, c’est-à-dire son initiation.
Les modèles d'étude sont des éléments clés de la recherche en cancérologie car ils permettent d'étudier différents processus. Dans ce projet, B. Duvillié développe un modèle de mini-organe in vitro, en boites de culture. En utilisant des cellules humaines immatures, appelées cellules souches pluripotentes induites, nous pouvons obtenir une structure en 3 dimensions qui ressemble à un mini-cervelet humain. En y introduisant des gènes altérés dans le médulloblastome, nous sommes capables de modéliser le médulloblastome de haut risque. Même s'il a ses propres limites comme tout modèle d'étude, il permet notamment d'étudier les étapes initiales de la tumorigenèse et les effets des polluants sur ces étapes initiales.
Dans la première partie du projet, nous cherchons à améliorer ce modèle en y ajoutant des cellules qui forment les vaisseaux sanguins pour le rapprocher de l’organe réel. A l'avenir, nous y ajouterons des cellules immunitaires pour mieux comprendre leur rôle dans l'initiation tumorale, la réponse aux thérapies anti-cancéreuses ou leur impact en cas d'exposition aux polluants.
Dans la deuxième partie du projet, nous analyserons l’impact de certains polluants (insecticides ménagers, antifongiques agricoles) sur les étapes précoces d'initiation du médulloblastome. Le rôle des polluants dans l'apparition des cancers de l'enfant constitue une question sociétale importante, comme nous avons pu le voir récemment mais seules des réponses scientifiques partielles ont été apportées. En tant que chercheurs, notre rôle est de faire avancer la science sur des questions de recherche fondamentale et clinique mais également, quand nous le pouvons, sur ces débats sociétaux. Nos travaux sur les polluants s'inscrivent dans un cadre plus large. En effet, diverses équipes de recherche travaillent sur ces problématiques, notamment le consortium PEDIAC dans lequel nous sommes impliqués et dont les thématiques portent sur les causes et les origines des cancers pédiatriques. Ce consortium permet d'allier études épidémiologiques et recherche expérimentale. Nous espérons ainsi pouvoir contribuer à amener des réponses mêmes partielles à ces questions importantes de l'implication potentielle des polluants dans les cancers de l'enfant.
Quelles sont les perspectives et vos espoirs à l’issu de votre projet de recherche ?
Nous espérons améliorer les modèles d'étude du médulloblastome en nous rapprochant le plus fidèlement possible de la pathologie et les partager avec la communauté scientifique. Ces modèles devraient nous permettre de mieux comprendre cette pathologie pédiatrique, notamment ses causes et de contribuer, ainsi, à mieux la traiter. Concernant les polluants, nous espérons que nos recherches participeront à la clarification de leurs impacts potentiels dans les cancers pédiatriques. Notre étude expérimentale ne fournira pas de réponses définitives mais pourrait apporter des faisceaux d'indications sur la potentialité des polluants à modifier la cellule d'origine de ces cancers et participer, ainsi, à l'amorçage ou l'accélération du processus cancéreux. Il sera essentiel de compléter notre étude avec des modèles in vivo plus complexes qui permettent d'apporter des réponses complémentaires. Notre étude s'inscrit dans un champ pluridisciplinaire incluant l'épidémiologie, la toxicologie (…) qui, toutes ensembles, devraient contribuer à apporter des réponses à ces questions sociétales d'importance.
Généralement, les parents d'enfants atteints de cancers s'interrogent sur les causes de cette maladie, dont l'incidence ne diminue pas en France comme en Europe. Si dans 10% des cas, des facteurs génétiques sont mis en évidence, dans la nette majorité des cas, les médecins n’en connaissent pas les causes. Beaucoup de parents s'interrogent sur les facteurs environnementaux et les polluants, tout en ayant un certain sentiment d'impuissance, car quoi prévenir, contrairement à l'adulte, chez des enfants qui ne boivent pas d'alcool, ne fument pas, qui s’alimentent correctement et qui font de l’exercice physique ? Que souhaitez-vous dire à ces parents ?
Il est important de préciser que les 10% de facteurs génétiques en question concernent des prédispositions héréditaires ou mutations congénitales. Néanmoins, de fréquentes altérations génétiques sont identifiées dans les cancers pédiatriques tels que des mutations, altérations chromosomiques… Ces altérations génétiques dites "somatiques" sont clairement impliquées dans le processus cancéreux, sont très fréquentes et trouvées dans la quasi-totalité des cancers de l'adulte comme pédiatriques. L’enjeu scientifique réside dans la compréhension de l’origine de ces altérations : sont-elles provoquées par des facteurs environnementaux ou apparaissent-elles au hasard ? Des études scientifiques ont montré que ces altérations génétiques sont beaucoup plus fréquentes dans les organes en forte prolifération/croissance. Une des caractéristiques des organes des enfants est justement cette croissance/prolifération importante. Il est donc vraisemblable qu'une partie de ces altérations somatiques soient expliquées par ce phénomène. En parallèle, des études ont établi, par exemple, qu'une exposition aux rayonnements ionisants ou une habitation à proximité de grandes cultures viticoles augmente le risque de cancers pédiatriques. L’environnement et les expositions ne doivent donc pas être négligés, et davantage de recherche est nécessaire pour préciser leurs rôle et contribution. C'est précisément le but de notre projet.
Au-delà de l’appel à la générosité publique, Eva pour la vie a impulsé dès 2012 une démarche inédite en Europe – désormais partagée par de nombreuses associations et professionnels à travers la fédération Grandir Sans Cancer – visant à obtenir de l’Etat un fonds dédié à la recherche sur les cancers de l’enfant, ainsi qu’une amélioration de l’aide aux familles d’enfants malades ou décédés. Avec Grandir Sans Cancer, elle a obtenu fin 2018 du ministère de la recherche un fonds annuel de 5M€/an dédié à la recherche fondamentale sur les cancers de l’enfant, et fin 2021, un apport ponctuel de 20M€ en vue de favoriser la structuration des équipes de recherche sur les cancers pédiatriques. Elle est également étroitement liée à plusieurs progrès sociaux pour les familles concernées. Elle mobilise actuellement les parlementaires afin que le fonds de recherche soit porté à 20-25M€/an afin d’y inclure la recherche clinique oncopédiatrique. Elle souhaite que la mobilisation des pouvoirs publics soit durable, stable et axée, en même temps, sur la recherche, le soin, la prévention et un accompagnement social à la hauteur des besoins. Que pensez-vous de cette démarche ?
Ces dernières années, le soutien public pour la recherche en cancérologie pédiatrique a pu être renforcé grâce à la mobilisation des associations. Les fonds obtenus ont permis de mobiliser de nouvelles équipes de recherche sur ces thématiques. La recherche devient de plus en plus coûteuse. Ces fonds sont donc cruciaux pour développer une recherche en cancérologie pédiatrique ambitieuse et de qualité afin de comprendre les causes, la biologie des cancers pédiatriques, mais également l'impact de l'exposition aux polluants, les mécanismes de résistance aux traitements et leurs toxicités… La diversité et la combinaison des approches (clinique, épidémiologique, toxicologique, fondamentale) est nécessaire pour progresser dans la compréhension de ces pathologies. Il est donc essentiel que ces initiatives se poursuivent et soient entendues car les fonds qu'elles ont permis de débloquer représentent une aide indispensable pour l'avancée de la recherche en cancérologie pédiatrique.
Eva pour la vie soutient le projet d'Activité Physique Adaptée chez l’enfant soigné pour un Cancer et Insulino-Sensibilité APACIS, porté par le Pr Marlène Pasquet, onco-hémato-immunologue pédiatre au sein de l'hôpital des enfants du CHU de Toulouse et Justine Thomas, enseignante en APA et doctorante, ainsi que le recrutement d'un poste d'APA au sein de ce service.
Depuis plus de 20 ans, cet enseignant chercheur travaille sur le cancer. Et cela fait presque 10 ans qu'il s'est dirigé dirigé vers le cancer du rein ou carcinome rénal. En rejoignant l'équipe du Dr Christophe Grosset (Inserm, équipe MiRCaDe), il voulait mettre à profit son expérience et franchir un nouveau pallier en travaillant sur les cancers de l'enfant. Il est à l'initiative d'un projet ambitieux, qui implique plusieurs chirurgiens, médecins et chercheurs internationaux, sur l'étude du néphroblastome (ou tumeur de Wilms) chez l'enfant, cofinancé par l'association Eva pour la vie et Aidons Marina ...
La résistance aux traitements est un problème clinique majeur, en particulier dans le cas des ostéosarcomes, tumeurs osseuses touchant les enfants ou adolescents. En effet, la chimiothérapie, associée à la chirurgie, est le pivot central du traitement actuel. Or de nombreux ostéosarcomes sont ou deviennent résistants à ces médicaments antiprolifératifs. Les récidives et/ou l’apparition de métastases sont alors fréquentes. 2 patients sur 5 ne pourront être guéris ! L’ostéosarcome est donc un cancer pédiatrique à pronostic sombre pour lequel il est absolument nécessaire d’identifier les moyens de contrecarrer la résistance aux traitements afin d’améliorer les chances de guérison des patients.
Depuis Septembre 2014, le Dr Martin Hagedorn pilote une équipe constituée de chercheurs (Caroline CAPDEVIELLE, Farah RAHAL, Justine CHARPENTIER et Mélissa MENARD) qui consacre ses travaux de recherche à l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques dans les tumeurs du tronc cérébral et à l’amélioration de ses modes de traitement. Des travaux reconnus par plusieurs équipes & experts scientifiques européens.
Les travaux de recherche du Dr Pasquier se focalisent principalement sur le repositionnement de médicaments qui consiste à tester, dans de nouvelles indications thérapeutiques, des médicaments déjà approuvés par les autorités sanitaires. Le but de ce travail est d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pour les cancers les plus difficiles à traiter et ainsi améliorer la prise en charge des patients atteints de ces formes agressives et réfractaires aux traitements. En particulier, les cancers pédiatriques (neuroblastome), les tumeurs cérébrales affectant les enfants comme les adultes (glioblastome, medulloblastome) ainsi que certaines formes rares de cancer (angiosarcome).
Les travaux de l'équipe INSERM co-dirigée par le Dr Marie Castets (CR1 Inserm, HDR) et le Dr Jean-Yves Blay (PUPH, HDR) portent sur la mort cellulaire et les cancers. Grâce au soutien d’Eva pour la Vie (55000 euros) et d’autres associations, cette équipe développe actuellement ces axes de recherche sur les rhabdomyosarcomes, les ostéosarcomes et les neuroblastomes ...