Dr Fabienne Meggetto, vous êtes directrice de recherche à l’INSERM de Toulouse. Vous avez décidé d’orienter vos travaux de recherche sur les lymphomes chez l’enfant. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet, et sur vos motivations à travailler sur les cancers de l’enfant ?
Le lymphome est un cancer qui affecte les cellules du système immunitaire, c’est-à-dire les lymphocytes. Les lymphocytes sont des globules blancs qui aident le corps à lutter contre les infections. Ils sont fabriqués dans la moelle osseuse, la rate et les ganglions lymphatiques, puis circulent dans les vaisseaux sanguins et lymphatiques. Ils ont pour mission d'identifier et de combattre les infections et les cellules anormales. Il existe deux types principaux de lymphocytes : les lymphocytes B et les lymphocytes T. Un lymphome survient lorsque des lymphocytes B ou T devenu anormaux/mutés, se sont multipliés de façon incontrôlée. Les lymphocytes anormaux se multiplient de manières anormales et en s’accumulant, ils finissent par former des tumeurs plus particulièrement dans les ganglions. Mais comme les lymphocytes circulent dans tout le corps, ils peuvent également toucher de nombreux autres organes. Le lymphome se divise en deux grandes catégories : le lymphome hodgkinien et le lymphome non hodgkinien. Chez les enfants de moins de 15 ans, le plus fréquent des lymphomes est de type "non-Hodgkiniens". Ces derniers sont la 3ième cause de cancer chez l’enfant après les leucémies et les tumeurs cérébrales.
Les lymphomes anaplasiques à grandes cellules sont des lymphomes non-Hodgkiniens agressifs qui affectent les lymphocytes T. Les lymphomes anaplasiques à grandes cellules bien que rares, représentent 15% des lymphomes non-Hodgkiniens chez les enfants et les jeunes adultes ce qui en font les lymphomes pédiatriques les plus fréquents. Chez les enfants, 90% des lymphomes anaplasiques à grandes cellules sont associés à une translocation chromosomique qui se traduit par l’expression d’une protéine anormale, NPM-ALK. Bien que les lymphomes anaplasiques à grandes cellules NPM-ALK(+) soient relativement sensibles à la chimiothérapie, environ 30% des jeunes patients rechutes précocement et ces rechutes assombrissent le pronostic. La recherche de biomarqueurs de rechutes précoces est donc primordiale pour ce cancer pédiatrique.
Les microARN font partis de la famille des molécule nommées ARN non codant. Ils forment une des grandes voies de régulation de l'expression des gènes. Notre groupe est l’un des premiers à avoir mis en évidences dans les lymphomes anaplasiques à grandes cellules NPM-ALK(+), les microARN comme biomarqueurs tissulaires de la résistances aux traitements. Les microARN sont présents dans les cellules tumorales et peuvent être sécrétés dans les fluides corporels circulant comme le sang. Cependant, il a été rapporté que seulement 10% des microARN humains connus pouvaient être détectés dans le plasma et environ 30% d'entre eux sont des formes peu représentées. Notre projet s’intéresse à d’autres ARN non codant, les ARN circulaires, qui sont des molécules abondantes, stables, très résistantes et qui ont été validés comme biomarqueurs sériques dans les tumeurs solides. Notre objectif principal est donc d’identifier des circARN sériques associé à un échec / une résistance au traitement des lymphomes anaplasiques à grandes cellules NPM-ALK(+) de l’enfant.
Quelle est la situation thérapeutique actuelle, et quels sont vos espoirs ?
Le traitement de référence des lymphomes anaplasiques à grandes cellules pédiatriques est une polychimiothérapie différente de celle utilisée pour traiter les lymphomes anaplasiques à grandes cellules de l’adulte. Bien que les lymphomes anaplasiques à grandes cellules NPM-ALK(+) soient relativement sensibles à la chimiothérapie avec des taux de réponse élevés la survie sans événement est toujours comprise entre 65 et 75% chez les enfants. Ainsi environ 30% des jeunes patients rechutes précocement et ces rechutes sont toujours de mauvais pronostic. Différentes thérapies ciblées, c’est-à-dire dirigées spécifiquement contre les cellules tumorales ont déjà été testées pour la gestion les formes de lymphomes anaplasiques à grandes cellules NPM-ALK(+) chimio-résistantes chez l’enfant, telles que la thérapie par anticorps, les inhibiteurs anti-ALK, le chef de fil étant le crizotinib, et plus récemment l’immunothérapie. Ces médicaments sont développer pour bloquer la croissance ou la propagation des cellules tumorales en agissant sur des altérations particulières à l’origine du développement ou de la propagation des cellules tumorales. Cette action dite « ciblée » permet d’agir plus spécifiquement sur les cellules tumorales et ainsi, limiter les dommages subis par les cellules normales. Cependant, en raison des effets indésirables liés au traitement par certains anticorps, des cas de rechutes soudaines consécutives à l'arrêt du crizotinib et aucune rémission clinique continue après l'arrêt du Crizotinib dans d'autres cas, les cliniciens se trouvent dans une impasse thérapeutique si une greffe de moelle n’est pas possible. La recherche de biomarqueurs des rechutes précoces est donc primordiale.
Envisagez-vous de développer ce projet avec d’autres chercheurs - y compris à l’échelle internationale – et l’étendre à d’autres types de cancers pédiatriques ?
Le Pr. Laurence Lamant, médecin anatomopathologiste référent des lymphomes anaplasiques à grandes cellules (département de pathologie, CHU de Toulouse, IUCT-Oncopole) et membre de mon groupe est historiquement impliquée dans la caractérisation morphologique, génétiques et moléculaire des lymphomes anaplasiques à grandes cellules. Elle est membre d’un groupe de travail interdisciplinaire au sein du comité des lymphomes de la Société française de cancérologie chez les enfants et adolescents (SFCE). Parallèlement, nous avons depuis de longue date des collaborations avec des groupes coopératifs européens et internationaux actifs dans le lymphome de l'enfant. Cela encourage également les interactions avec le groupe coopératif des lymphomes de l’adulte (LYSA adulte). Très prochainement un neuro-oncopédiatre allemand va rejoindre mon groupe pour deux ans. Il sera impliqué à 100% sur le projet et par sa formation nous envisageons d’étendre notre projet à d’autre cancers pédiatriques en particulier le neuroblastome. En effet, une mutation du gène ALK a été décrite dans environ 12 % des cas de neuroblastomes de l’enfant qui est la tumeur maligne solide extra-cérébrale la plus fréquente du jeune enfant.
Avez-vous rencontré des difficultés, financières ou administratives, pour lancer ce projet ? Qu’est-ce que le soutien financier d’Eva pour la vie, vous permettra de faire ?
Le soutien financier que je reçois de la part de l’association Eva pour la vie est indispensable au démarrage du nouveau projet de recherche que je souhaite développer. Sans ce soutien, après plusieurs refus, le projet ne pourrait pas voir le jour faute de financement. L’argent qui m’a été confié va me permettre de réaliser des expériences indispensables au démarrage du projet et donc à générer les premières données. Cette étape est indispensable pour une projection du projet vers une étude translationnelle avec la clinique.
Eva pour la vie a impulsé une démarche de fonds – désormais suivie par de nombreuses associations - visant à inciter l’Etat à créer un fonds dédié à la recherche sur les cancers de l’enfant, ainsi qu’à améliorer l’aide aux familles d’enfants malades. Avec une première victoire, sans doute insuffisante mais sans précédent : le vote, fin 2018, d’un fonds nouveau de 5 millions d’euros/an pour cette recherche. Qu’en pensez-vous ?
Je soutiens a « donf » la motivation de l’association Eva Pour La Vie et de la Fédération Grandir sans Cancer car l’absence d’appels d’offres nationaux spécifiques aux cancers pédiatriques est une aberration. En effet même si certains cancers s’observent à la fois chez les enfants et les adultes, ils présentent des spécificités propres. Il est donc indispensable de pouvoir les étudier/comparer afin de mieux les caractériser dans leur biologie et leurs réponses aux traitements. Cela afin de permettre un meilleur diagnostic, pronostic et élargir les options thérapeutiques. Mais l’un des moteurs de la recherche médicale reste les profits financiers pour l’industrie privée souvent impliquée également dans le financement des essais cliniques. Les cancers de l’enfant étant des maladies rares et donc un marché économique faible, il est donc peut intéressant par rapport aux cancers de l’adulte (cancer du poumon, sein …..). L’état doit pallier cela en assurant le financement de travaux de recherche sans forcément des retombées financières immédiates mais des avancées en santé publique, tel que l’amélioration du pronostic, diagnostic de la prise en charge des patients et de leur famille.
Publication scientifique (novembre 2020)
Des lymphocytes T transformés en laboratoire aident à mieux comprendre l’origine d’un lymphome de l’enfant.
https://insb.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/des-lymphocytes-t-transformes-en-laboratoire-aident-mieux-comprendre-lorigine-dun-lymphome
Eva pour la vie soutient le projet d'Activité Physique Adaptée chez l’enfant soigné pour un Cancer et Insulino-Sensibilité APACIS, porté par le Pr Marlène Pasquet, onco-hémato-immunologue pédiatre au sein de l'hôpital des enfants du CHU de Toulouse et Justine Thomas, enseignante en APA et doctorante, ainsi que le recrutement d'un poste d'APA au sein de ce service.
Eva pour la vie & Grandir Sans Cancer ont décidé de soutenir les travaux du Dr Célio POUPONNOT, à l'Institut Curie, en finançant le Projet « Modélisation du médulloblastome grâce à l’utilisation d’organoïdes humains cérébelleux et analyse de l’effet des polluants agricoles » à travers une subvention. Ce projet de recherche comporte une part de recherche environnementale crutiale, la question de la compréhension pour tenter de prévenir étant aussi importante que celle qui vise à mieux soigner les enfants atteints de cancers ...
Depuis plus de 20 ans, cet enseignant chercheur travaille sur le cancer. Et cela fait presque 10 ans qu'il s'est dirigé dirigé vers le cancer du rein ou carcinome rénal. En rejoignant l'équipe du Dr Christophe Grosset (Inserm, équipe MiRCaDe), il voulait mettre à profit son expérience et franchir un nouveau pallier en travaillant sur les cancers de l'enfant. Il est à l'initiative d'un projet ambitieux, qui implique plusieurs chirurgiens, médecins et chercheurs internationaux, sur l'étude du néphroblastome (ou tumeur de Wilms) chez l'enfant, cofinancé par l'association Eva pour la vie et Aidons Marina ...
La résistance aux traitements est un problème clinique majeur, en particulier dans le cas des ostéosarcomes, tumeurs osseuses touchant les enfants ou adolescents. En effet, la chimiothérapie, associée à la chirurgie, est le pivot central du traitement actuel. Or de nombreux ostéosarcomes sont ou deviennent résistants à ces médicaments antiprolifératifs. Les récidives et/ou l’apparition de métastases sont alors fréquentes. 2 patients sur 5 ne pourront être guéris ! L’ostéosarcome est donc un cancer pédiatrique à pronostic sombre pour lequel il est absolument nécessaire d’identifier les moyens de contrecarrer la résistance aux traitements afin d’améliorer les chances de guérison des patients.
Depuis Septembre 2014, le Dr Martin Hagedorn pilote une équipe constituée de chercheurs (Caroline CAPDEVIELLE, Farah RAHAL, Justine CHARPENTIER et Mélissa MENARD) qui consacre ses travaux de recherche à l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques dans les tumeurs du tronc cérébral et à l’amélioration de ses modes de traitement. Des travaux reconnus par plusieurs équipes & experts scientifiques européens.
Les travaux de recherche du Dr Pasquier se focalisent principalement sur le repositionnement de médicaments qui consiste à tester, dans de nouvelles indications thérapeutiques, des médicaments déjà approuvés par les autorités sanitaires. Le but de ce travail est d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pour les cancers les plus difficiles à traiter et ainsi améliorer la prise en charge des patients atteints de ces formes agressives et réfractaires aux traitements. En particulier, les cancers pédiatriques (neuroblastome), les tumeurs cérébrales affectant les enfants comme les adultes (glioblastome, medulloblastome) ainsi que certaines formes rares de cancer (angiosarcome).
Les travaux de l'équipe INSERM co-dirigée par le Dr Marie Castets (CR1 Inserm, HDR) et le Dr Jean-Yves Blay (PUPH, HDR) portent sur la mort cellulaire et les cancers. Grâce au soutien d’Eva pour la Vie (55000 euros) et d’autres associations, cette équipe développe actuellement ces axes de recherche sur les rhabdomyosarcomes, les ostéosarcomes et les neuroblastomes ...