VIRTU THERAPEUTICS (Nice)
Eva pour la vie & Grandir sans cancer ont, de par leur engagement financier, fortement accéléré le démarrage d’une start-up du médicament liée à la volonté de développer une petite molécule innovante pour le traitement du glioblastome, une tumeur du cerveau de l’adulte et de l’enfant très agressive et généralement incurable. Les dirigeants de cette start-up nous expliquent leurs travaux, perspectives et l'importance de favoriser le développement de petites sociétés axées sur des cancers rares, en particulier les cancers pédiatriques les plus agressifs ...
Dr Thierry Virolle, vous êtes Directeur de Recherche INSERM. Vos travaux portent notamment sur les glioblastomes, un cancer agressif pouvant affecter l’adulte mais aussi l’enfant. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos motivations à travailler sur les tumeurs cérébrales pédiatriques ?
Depuis une quinzaine d’années mon équipe recherche une nouvelle stratégie pour éradiquer les cellules souches cancéreuses à l’origine des glioblastomes et leurs récidives en les privant de leur potentiel tumoral. Afin d’être au plus proche de la tumeur d’origine nous travaillons avec des cellules de patients. De fait, nos efforts se sont focalisés sur les glioblastomes de l’adulte opérés dans le service de neurochirurgie de Nice, en lien avec le Dr Almairac. Fin 2022, nous avons obtenu des cellules de DIPG en collaboration avec le Dr Junier pour un projet qui n’a pas été financé. Malgré cela nous avons débuté des travaux qui montrent que le candidat-médicament que nous avons développé sur le GB adulte pourrait être efficace contre le GB de l’enfant. Mes collaborateurs et moi sommes extrêmement mobilisés pour apporter une preuve de l’efficacité de ce traitement dans un modèle in vivo de DIPG. Sans évoquer la douleur des familles que l’on peine à réaliser lorsqu’on n’expérimente pas la perte d’un enfant dans sa chair, la mort d’un enfant malade du cancer est un fait social inacceptable qui pourrait être évité si plus de moyens financiers étaient dédiés à l’étude des cancers pédiatriques.
Dr Laurent TURCHI Suite au développement par votre équipe de recherche d’une petite molécule innovante pour le traitement du glioblastome, vous avez décidé de fonder Virtu Therapeutics. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette initiative et les principales difficultés rencontrées ?
En effet, comme vient de l'évoquer Thierry, nous avons mis au point une stratégie thérapeutique innovante consistant à piéger les cellules souches cancéreuses à l’origine des Glioblastomes et de leurs récidives dans un état où elles sont devenues incapables de contribuer à la progression de la tumeur. Contrairement aux chimio et radio thérapies cytotoxiques, qui sélectionnent des cellules tumorales résistantes à l’origine des récidives, notre stratégie différenciante rend également les CSG sensibles aux traitements. Ces résultats obtenus sur des cellules de patients en culture et dans un modèle in vivo, nous ont incité à poursuivre le développement de notre candidat médicament dans un projet de création d'entreprise. Pour cela nous avons contacté deux professionnels de l’industrie de la santé et constitué une petite équipe pour démarrer le travail. Notre objectif prioritaire est de porter ce candidat médicament et notre stratégie thérapeutique en clinique chez l’adulte et l’enfant. Notre principale difficulté est que le Glioblastome est un cancer rare, les formes pédiatriques le sont encore plus et que les investisseurs que nous avons rencontrés nous ont incité à rechercher une efficacité dans des indications plus rentables… prédisant que sans cela nous aurions des difficultés à être financé.
Quel impact espérez-vous à terme pour les enfants concernés par des tumeurs cérébrales ?
Les résultats que nous avons obtenus dans des modèles de glioblastome permettent d’espérer stopper durablement la progression de la tumeur chez les enfants atteints d’un DIPG. Notre approche thérapeutique diminue la résistance des cellules tumorales au traitement et empêche la sélection de cellules plus agressives responsable des récidives. Ainsi, nous devrions assister à la diminution spontanée de la taille de la tumeur en traitement seul ou en combinaison avec une thérapie cytotoxique. Au stade de développement actuel, notre candidat médicament permettrait une augmentation de l’espérance de vie des enfants et des adultes atteints d’un glioblastome mais également l’amélioration de leur qualité de vie.
M Lionel Menou, après plusieurs années dans un grand groupe pharmaceutique et la mise sur le marché d’une biothérapie développée par une start up, vous avez rejoint le projet Virtu Therapeutic et présidez maintenant la société. Est-ce que le soutien de la fédération Grandir Sans Cancer, et de l’association Eva pour la vie, pour permettre le démarrage de cette start-up du médicament est important ? Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Quand Laurent Turchi m'a contacté début 2022, j’ai très vite réalisé la qualité du travail entrepris, et les perspectives d’applications thérapeutiques de ce candidat médicament pour le traitement des Glioblastomes pédiatriques et de l’adulte. Avec Patrice Cornillon, ancien dirigeant dans l’industrie du diagnostic médical, nous avons apporté le cadre nécessaire à la création de la start up. Notre travail et celui des chercheurs ont été récompensés par de nombreux partenaires locaux et nationaux dont l’incubateur PACA EST, l’Université de Nice et la Banque Publique d’Investissement (Aide BFTE). La qualité de notre projet nous a permis d'être lauréats du Concours National de l’Innovation (Aide iLab) en 2023. Paradoxalement, le versement des subventions institutionnelles (BFTE, ilab) est assujetti à la capacité de l’entreprise à cofinancer une partie du projet. C'est tout à fait normal, la création d'une start-up est une grosse prise de risque, mais notre stade de développement et notre indication médicale (Glioblastome de l’adulte et de l’enfant) ne nous ayant pas encore permis d’attirer des fonds d’investissement ou un partenaire industriel, le cofinancement devait provenir des co-fondateurs (ce qui a été fait au maximum, sachant aussi que nous ne nous rémunérons pas) et de la société civile.
Ainsi, nous avons sollicité la fédération Grandir sans Cancer et l’association Eva pour la Vie. Sans leurs soutiens financiers, Virtu Therapeutics, créée en décembre 2023, n’aurait pas été en mesure de percevoir les aides institutionnelles et donc démarrer le développement du candidat médicament. Leur contribution et au travers de celles-ci des familles concernées par les cancers pédiatriques auront été fondamentale pour notre société.
Grâce à l’implication de plusieurs députés et au soutien de la ministre de la recherche Frédérique Vidal, avec Grandir Sans Cancer et Eva pour la vie, 5M€/an sont alloués en faveur de la recherche fondamentale sur les cancers de l’enfant depuis fin 2018. Tout en saluant cette avancée, ces associations souhaitent que ce financement soit porté à 20M€/an et élargi à la recherche clinique oncopédiatrique. De même, elles militent pour que le gouvernement favorise à travers un financement fléché le développement de start-ups du médicament pédiatrique contre les cancers et maladies graves de l’enfant. Que pensez-vous de leurs propositions et qu’est-ce que cela pourrait apporter aux enfants atteints de cancers ?
Virtu Therapeutics: Faire progresser les connaissances sur les cancers pédiatriques et trouver des traitements adaptés aux situations bien souvent différentes de l’adulte devrait être bien plus qu’un axe scientifique prioritaire et sanctuarisé. Ce devrait être un projet politique avec la perspective de sauver chaque enfant malade d’un cancer. Cette recherche ne manquerait d’ailleurs pas de bénéficier aux adultes. A l’heure actuelle, c’est exactement la situation inverse. Bien que des efforts aient été faits ces deux dernières années pour financer la recherche sur les tumeurs pédiatriques, grâce à la vitalité de votre combat, on cherche pour le plus grand nombre parce que c’est là que sont faits les plus grands bénéfices en terme de santé publique mais aussi et surtout les retombées financières les plus sûres. Une recherche de qualité nécessite des moyens qualitatifs (niveau de formation des scientifiques, des médecins…) mais aussi quantitatifs. Pour cette raison nous souscrivons aux propositions portées par les associations auprès de nos parlementaires et du gouvernement.