Les ostéosarcomes ont une très forte propension à métastaser, notamment dans les poumons. Lors du diagnostic d’OS, les métastases pulmonaires sont déjà présentes chez plus de 20% des patients. Les métastases signent la gravité de maladie. En effet, les patients présentant un OS métastatique ou récidivant répondent mal aux traitements actuels et le taux de guérison, chez ces patients, restent très bas et inchangés depuis plus de 30 ans. Il est par conséquent essentiel et primordial de développer des traitements efficaces pour toutes ces situations d'impasse thérapeutique et également pour améliorer la qualité de vie de ces jeunes patients pendant et après les traitements.
Reconnaître et éliminer les cellules cancéreuses représentent des fonctions physiologiques du système immunitaire qui sont assurées par des cellules spécialisées de l’organisme, les leucocytes et en particulier la population des lymphocytes T. L'état d'activation des lymphocytes T dépend en permanence de la balance entre des signaux activateurs et inhibiteurs appelés checkpoints immunitaires (activateurs ou inhibiteurs) . Ces checkpoints immunitaires qui fonctionnent comme des verrous de sécurité sont essentiels aussi bien pour optimiser l’activation des lymphocytes T (checkpoints activateurs) que pour prévenir le risque d'emballement du système immunitaire (checkpoints inhibiteurs). Les cellules cancéreuses ont développé de multiples stratégies pour échapper au système immunitaire et notamment déréguler les checkpoints immunitaires inhibiteurs afin d’empêcher la destruction des cellules tumorales par le sytème immunitaire. L’industrie pharmaceutique a commercialisé des anticorps et/ou petites molécules chimiques qui sont capables de moduler certains de ces checkpoints immunitaires et de fait permettre d’optimiser la réponse du système immunitaire dirigée contre la tumeur.
Les travaux récents en immuno-oncologie ont marqué un tournant majeur dans la compréhension des mécanismes de défense des tumeurs face au système immunitaire et ont mis en évidence les checkpoints immunitaires comme de nouvelles cibles thérapeutiques antitumorales potentielles. Des traitements utilisant cette stratégie chez des patients atteints de mélanome métastatique ont donné des résultats extraordinaires en terme de guérison et donnent de nouveaux espoirs pour les autres cancers. Aujourd’hui les thérapies ciblant les checkpoints immunitaires sont données dans de nombreux cancers, et sont en phase d’essai clinique dans l’ostéosarcome. Les premiers résultats ne permettent pas à l’heure actuelle de proposer un traitement efficace en particulier pour les ostéosarcomes les plus agressifs. Il est donc nécessaire de continuer les recherches recherches visant à mieux comprendre les interactions entre les cellules cancéreuses et les cellules immunitaires impliquées dans la progression des ostéosarcomes.
Le projet financé par Eva Pour la vie (2017-2018, 30 000 €) se situe dans ce contexte. Il avait pour objectif d’évaluer dans un modèle préclinique de métastases pulmonaires d'ostéosarcome, les effets de traitements associant deux stratégies complémentaires d'immunothérapie, l'une visant à favoriser un recrutement sélectif de leucocytes dans la tumeur, l'autre visant à neutraliser 4 checkpoints immunitaires inhibiteurs à savoir CTLA4, PD1, PDL1 et TIM3. Ce projet a consisté à tester différentes associations de traitements par des anticorps bloquants des checkpoints inhibiteurs (Ac anti-checkpoints) en présence de fractalkine (FKN) permettant le recrutement des lymphocytes dans la tumeur.
Dans un premier temps, les travaux réalisés grâce au premier financement d'Eva pour la vie’ ont montré que le traitement des souris par la FKN seule ralentissait de 40 à 60% la progression des métastases pulmonaires d’ostéosarcome, mais au cours du temps, les animaux finissaient par échapper au traitement par la FKN. Néanmoins même si les souris développaient des métastases en présence de FKN, les souris étaient objectivement en meilleure forme que les souris non traitées.
Concernant les traitements avec les Ac bloquants des checkpoints PD1, PDL1, CTLA4 ou TIM-3, les effets étaient d’une part modestes (au mieux une diminution de 5 à 30% de la progression des métastases) et d’autre part toujours inférieurs à ceux obtenus avec la FKN seule. De plus, nous n’avons pas observé d’effets cumulatifs des traitements associant un Ac anti-checkpoint à la FKN. L’analyse transcriptomique des tumeurs obtenues dans les différentes situations de traitements (FKN + un Ac anti checkpoint inhibiteur) nous a indiqué que la FKN avait effectivement permis le recrutement de lymphocytes dans les tumeurs mais, et de plus, alors que certains verrous étaient levés par les Ac anti checkpoints, d’autres restaient toujours actifs. Dans un deuxième temps, nous avons associé le traitement par la FKN à plusieurs Ac anti-checkpoints inhibiteurs. Les résultats sont décevants puisque dans toutes les combinaisons testées, il n’y avait pas, en termes de réduction de tumeurs, d’effets plus importants que la FKN seule. Contre toute attente, l’analyse transcriptomique nous a néanmoins révélé que dans certaines combinaisons, les 4 checkpoints inhibiteurs testés étaient neutralisés.
Les anticorps ciblant CTLA4, PD1, PDL1 et TIM3 représentaient la première "vague" de commercialisation de traitements anti checkpoints immunitaires. Aujourd’hui des traitements par anticorps ciblant d’autres checkpoints immunitaires inhibiteurs sont disponibles dans le commerce et en particulier GAL9, LAG3 et Vista et représentent de fait, de nouveaux espoirs thérapeutiques pour l’ostéosarcome. Par ailleurs, l’ensemble de nos résultats nous a conduits à penser que les lymphocytes qui étaient recrutés dans la tumeur grâce à la FKN pourraient, peut-être et aussi, présenter un défaut d’activation, les limitant dans leur capacité à détruire, de façon pérenne dans le temps, les cellules cancéreuses. Ceci nous a donc conduit à reconsidérer les combinaisons d’immunothérapie que l’on pourrait envisager et notamment tester des combinaisons de traitements associant la FKN à des anticorps bloquants des checkpoints immunitaires inhibiteurs et/ou à des anticorps stimulants de checkpoints immunitaires activateurs. Cette étude a été réalisée grâce au second soutien financier apporté par "Eva pour la Vie" (2019-2020, 20 000€)
Puis cette équipe a déposé auprès de notre association un projet ambitieux de haut niveau, concernant l'utilisation des biomatériaux de comblement osseux comme nouvelle voie d’administration de nouveaux traitements antitumoraux de l’ostéosarcome. Une voie innovante qui vise à permettre d’éradiquer les cellules cancéreuses tumorales résiduelles et limiter ainsi les risques de récidives.
Dans le programme thérapeutique des ostéosarcomes, lorsque l’état du patient le permet, la tumeur osseuse est chirurgicalement enlevée, et la perte de substance osseuse (défect osseux) qui en résulte est systématiquement comblée par des biomatériaux de comblement. Néanmoins, il n’est pas rare que le chirurgien ne puisse pas totalement éliminer la masse tumorale ce qui va entraîner immanquablement des rechutes. Combler le défect osseux à l’aide biomatériaux aux propriétés anti-tumorales permettrait d’éradiquer les cellules cancéreuses tumorales résiduelles et limiter ainsi les risques de récidives.
Au sein du micro-environnement tumoral, la chimiokine CCL5 et son récepteurs CCR5 semblent attractifs pour la cellule tumorale. Le projet que nous finançons sur 2021-2022 a pour objectif d’utiliser des bloqueurs de l’axe CCL5/CCR5 pour ralentir voire bloquer la progression des ostéosarcomes. L’originalité de ce projet réside aussi dans le mode d’administration de ces nouveaux traitements qui consiste à les délivrer localement via les biomatériaux de comblement osseux.